- Antoine Tricot - Nouvelles du monde réel
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- 🌋Se raconter des histoires quand les braises rougeoient☄️
🌋Se raconter des histoires quand les braises rougeoient☄️
Parlons de Sam à Paris - De la Seine-Saint-Denis à Brest - Des ex-dockers de Dunkerque

🔥« Il y avait comme des braises sous la cendre qui ne voulaient pas s’éteindre »🔥
J’ai lu cette phrase il y a une quinzaine d’année dans le livre d’Aragon, Les Beaux-Quartiers. Aragon décrivait ainsi la tension politique qui montait progressivement avant la Première Guerre mondiale. Écrit en 1936, l’écrivain avait beau jeu que de raconter a posteriori cette période dans laquelle la guerre paraissait inévitable.
Ces mots ne m’ont jamais quitté depuis. Comme j’ai feuilleté en vain mon vieil exemplaire de poche de ce bouquin, je les cite de mémoire. Vous m’excuserez les potentiels inexactitudes. Ce roman est le deuxième de ce qu’Aragon a nommé le cycle du monde réel. Une série de cinq œuvres qui explorent le cataclysme de la Grande Guerre et de se ses conséquences. Politiques, ces histoire remettent en cause frontalement la société bourgeoise et le capitalisme.
Après mes études, lorsque j’ai dû créer un site internet destiné à garder la trace de mon travail de journaliste, j’ai décidé un peu sans réfléchir de l’appeler « Fragments du monde réel ». Cela m’amusait de mettre mon travail de documentation du réel sous la figure tutélaire d’un écrivain de fiction.
Étrangement, je n’étais pas tout à fait conscient de la dimension politique de mon choix. Ce n’est que ces dernières années que cela est devenu plus clair pour moi. Quand j’ai commencé à me rendre compte que prendre partie sans concession pour la démocratie et les droits humains était désormais considéré comme un positionnement politique qui gênait dans une profession qui aime à se cacher derrière l’illusion de la « neutralité ».
À chacune de mes Newsletter, je souhaite avant tout vous donner des nouvelles de mon travail. Et à chaque fois je suis rattrapé par le fascisme qui monte. La dernière fois, pour les élections législatives en France qui a rendu très concret le danger d’un gouvernement d’extrême-droite et aujourd’hui du fait de la victoire du fascisme trumpien à l’élection présidentielle américaine. Et au milieu de tout ça l’horreur inextricable de la situation en Palestine et au Liban.
Ces trois événements, auxquels on peut bien sûr associer nombre d’autres actualités, m’interrogent en tant que personne qui gagne sa vie en racontant des histoires sur le monde réel. Comment réagir face à la déconnexion toujours plus grande entre une part de la population et la réalité ? A l’image de Trump, l’extrême-droite ne se préoccupe pas de vérité. Alors comment lutter contre des récits fantasmatiques qui se prétendent vrais dans le seul but d’attiser la haine et souffler sur les braises ? Que faire me direz-vous ?
Fin du suspens : je n’ai pas de réponse. Et je pense que la sidération m’empêche de réfléchir sereinement.
Tout ce que je ressens, c’est que documenter le réel me semble aujourd’hui prendre un sens tout particulier plus proche que jamais du projet d’Aragon. Que je le veuille ou non, les braises sont là et toute la réalité luit de leur rougeoiement. Alors j’essaie tremblant d’attirer l’attention sur d’autres imaginaires tout en verouillant la vérification des faits autant que possible et l’attachement à l’honnête compte-rendu de ce qui est ou a été. « Pour dans dix siècles » peut-être, comme dirait Léo Ferré. En tout cas pour ouvrir l’horizon et ne pas réduire le présent à la montée inexorable des fascismes. Et, pourquoi pas, essayer de trouver les armes efficaces pour le combattre et faire déraper son hégémonie.
Y arriverons-nous ?

🖼️Une soirée pour parler de la peinture de Sam à Paris🎨
Comme un débordement de l’histoire dans mon présent, l’enquête sur Sam Mandelbaum se poursuit dans les interstices de mon emploi du temps et un peu malgré moi. J’ai décidé de me consacrer en 2025 presque exclusivement à mes recherches sur les traces de la vie de ce peintre d’origine juive-polonaise dont vous avez déjà pu écouter une partie dans la série documentaire que l’on a fabriqué avec Séverine Cassar pour France Culture : Se Souvenir de Sam. Il va donc falloir patienter pour en savoir plus !
En attendant, j’ai la chance d’inaugurer le 20 novembre prochain, un cycle de rencontre autour des artistes proposés par la plateforme d’exposition virtuelle New Art Place et sa fondatrice Sarah Ganon. Ce sera à la galerie Saphir au 69 rue du temple 75003 Paris à 18h30. Ce sera l’occasion de parler de Sam en tant que peintre et de son œuvre qui sort progressivement de l’ombre. | ![]() |

🏙️Penser le 9-3 à Brest pour le festival Longueur d’Ondes📻
Avec Barbara Jean-Marie, nous montons en ce moment la troisième saison de Penser le 9-3. L’occasion de continuer l’arpentage des quartiers populaires loin de l’image qui s’est imposée dans notre imaginaire collectif. Comme les autres saisons, elle est coproduite par le centre de ressource Profession Banlieue et par le studio Making Waves.
De Saint-Denis à Livry-Gargan, de La Courneuve à Noisy-le-Sec, on y parlera de la question de l’autonomie des luttes dans les quartiers populaires, de la ségrégation scolaire, de la constitution des ghettos et de l’histoire de la Seine-Saint-Denis. La saison sortira mi-janvier 2025.
![]() | Nous serons fin janvier au festival de la radio Longueur d’Ondes à Brest avec Mohammed Bensaber de Making Waves et Elsa Micouraud de Profession Banlieue pour en parler avec vous. J’aurai la chance également de participer à une autre discussion autour de l’urbain et du son avec plusieurs personnes des éditions Créaphis. Je vous en dirai plus bientôt. J’espère que ce sera l’occasion de nous y voir ! |
En attendant vous pouvez bien sûr écouter les deux précédentes saisons sur toutes les applications de podcast. Comme ici sur podcast addict :

✊Au cœur des ex-dockers de Dunkerque⚓

Le chai sur le môle 1 - Port de Dunkerque
Avec les éditions Créaphis, nous avançons sur mon manuscrit qui retrace la lutte du groupe d’ex-dockers dunkerquois que j’ai interviewé ces dernières années. Leur volonté farouche de faire vivre un autre modèle que celui du capitalisme financier destructeur pour l’humain et la planète me semble particulièrement d’actualité. J’ai pu cet été en construire une version sonore. J’espère que les deux sortiront en septembre 2025 (et dès le printemps dans le Dunkerquois).
En attendant, n’hésitez pas à jeter un coup d’œil à mon précédent travail chez Créaphis Cheville Ouvrière, Essai de journalisme critique en quartier populaire. J’ai pensé ce livre à venir comme la suite d’un diptyque non seulement sur l’histoire de Dunkerque et de l’histoire ouvrière française, mais aussi sur la construction de ma méthode journalistique qui puise de plus en plus consciemment dans le journalisme littéraire et la narrative non fiction.
Si tout cela vous ennuie mais que vous vous intéressez à la question des quartiers populaires, le livre de photos de Nanda Gonzague Un quartier français est toujours disponible. Il montre un visage très fort et humain de la rénovation d’un quartier populaire du Nord de la France. Trois textes l’accompagnent l’un de la philosophe Christiane Vollaire, l’un de Paul Leroux, le directeur du centre culturel autour de la photographie Le Château Coquelle et le dernier de ma part.
Tous les livres de Creaphis sont disponibles en librairie ou en commande directement sur leur site.

Au plaisir de se croiser et d’échanger à ces occasions et de tenter de contribuer à la reconstruction d’un paysage moins apocalyptique.
La pelote est encore longue.
🧶Antoine Tricot