✊ Une bataille mais pas la guerre đŸ”„

Une nouvelle série sonore et un nouveau livre

Le port industriel de Dunkerque vu de la Digue du Braek. A l'horizon on voit les cheminées de l'usine de métalurgie, des ilos, des grues, et des hangards. Au premier plan la digue goudronnée avec des herbes folles jaunes et le bleu du bassin du port industriel.

Le port industriel de Dunkerque vu de la Digue du Braek

Écrire dans les ruines du capitalisme

Depuis plusieurs semaines, mon quotidien est devenu tout à fait routinier. Devant mon ordinateur, j’essaie d’avancer sur mon nouveau manuscrit.

Le dĂ©lai est court, je dois tout boucler pour mi-juillet. Alors je n’ai pas trop le loisir de flĂąner. Mon rythme est clair, trois jours par chapitre : un jour flou de mise Ă  plat des informations et de tentative de construire un squelette logique ; un jour pĂ©nible d’écriture intense ; un jour de reprises, de correction et de fluidification. J’ai dĂ©jĂ  huit chapitres et une introduction derriĂšre moi. Ensuite il faudra tout relire et tout réécrire pour homogĂ©nĂ©iser. En tremblant, ça avance.

Mais certains jours j’ai peur de ne pas y arriver. Dur de se concentrer quand le monde s’effondre autour de soi. Les guerres s’enchaĂźnent, les massacres aussi, les droits humains et la dĂ©mocratie flanchent partout. Alors je me raccroche en regardant les rĂ©sistances qui se lĂšvent dans les interstices du technocapitalisme et du fascisme. Et je me dis que ce n’est pas si hors de propos d’essayer de faire vivre et de produire des rĂ©cits qui s’opposent au racisme et Ă  l’autoritarisme ambiants. Mais c’est si peu. En regardant les États-Unis, il semble qu’il faudrait dĂ©jĂ  ĂȘtre en train de rĂ©flĂ©chir Ă  l’aprĂšs, Ă  la vie sous l’autocratie et Ă  des rĂ©sistance bien plus concrĂštes. Mais comment s’y prendre ?

Alors dans l’attente anxieuse, j’écris. Et par culpabilitĂ© de ne pas faire assez, je multiplie les projets.

✊ Des luttes de dockers de Dunkerque Ă  l’écologie populaire ✊

Difficile de me concentrer aussi parce que je suis fĂ©brile. Je peux enfin partager avec vous un des gros projets qui m’a occupĂ© ces trois derniĂšres annĂ©es. C’est un projet double : Ă  la fois un documentaire sonore et Ă  la fois un livre. Le premier vient de sortir sur toutes les applications de podcast grĂące aux amis du studio Making Waves. Le second sortira chez ceux de CrĂ©aphis le 28 aoĂ»t prochain.

Illustration du podcast "Une bataille mais la guerre" montrant une vue panoramique d'un port de marchandise avec des grues, des cheminées, et un important cargo porte-conteneur chargé. Au milieu du port sur une darse on voit un petit groupe de personnes manifestant avec une banniÚre CGT. Le titre est inscrit en blanc sur le cÎté gauche de l'image.

Illustration : Rosalie Stroesser

L’histoire que j’y raconte remonte Ă  2014, quand Patrick Le Bellec, fidĂšle poisson-pilote dunkerquois, m’a fait rencontrer un groupe d’anciens dockers Louis, François, Georges et leurs camarades. AprĂšs avoir passĂ© plus de vingt ans sur les docks Ă  dĂ©charger et charger Ă  mains nues les cales des bateaux, ce groupe de dockers a Ă©tĂ© virĂ© en 1994 aprĂšs la rĂ©forme portuaire et la grande grĂšve qui a touchĂ© les quelques 8300 dockers français et durant laquelle plus de la moitiĂ© d'entre eux ont perdu leurs emplois. Victimes de la mĂ©canisation, du tout container, de la dĂ©sindustrialisation et du nĂ©o-libĂ©ralisme.

Cette rupture a obligĂ© ce petit groupe d'ouvriers formĂ©s dans le communisme et dans le syndicalisme CGT Ă  se redĂ©finir et Ă  poursuivre leur lutte autrement. Dans les mouvements de chĂŽmeurs, puis ceux en dĂ©fense des victimes de l'amiante, dans l'Ă©conomie sociale et solidaire et dans les combats Ă©cologistes. En demeurant solidaire, en jouant collectif et en crĂ©ant une entreprise coopĂ©rative autour du bois, ils ont mis en pratique leurs idĂ©aux autogestionnaires et d'Ă©galitĂ© salariale. Ainsi il me semble qu’ils sont en quelque sorte le chainon manquant entre les luttes ouvriĂšres du 20e siĂšcle et les mouvements sociaux et Ă©cologiques du 21e. Un exemple qui prouve que la classe ouvriĂšre n'a pas disparu d'un seul coup, avec armes et bagages, Ă  la chute du mur de Berlin. Le sujet est d'actualitĂ© au moment oĂč une nouvelle vague de dĂ©sindustrialisation frappe la France de plein fouet.

✍ Conjuguer Ă©criture littĂ©raire et sonore 🎧

Pour la premiĂšre fois, j’ai menĂ© presque de front l’écriture littĂ©raire et l’écriture sonore. Pour ĂȘtre tout Ă  fait honnĂȘte, j’ai commencĂ© par Ă©crire le livre. Je me suis beaucoup inspirĂ© du journalisme littĂ©raire français (et notamment Albert Londres dans lequel j’avais le nez) et de la narrative nonfiction amĂ©ricaine (en particulier Janet Malcolm et Ted Conover). Je voulais que l’on perçoive le caractĂšre Ă©pique de cette aventure ouvriĂšre. Ce groupes de retraitĂ©s radicaux, qui n’a jamais cessĂ© de lutter jusqu’à l’épuisement, malgrĂ© les dĂ©faites et les violences de tout poil.

Une carte de grÚve de dockers rose est tamponné de différents tampons indiquant les jours de grÚve

Carte de grĂšve de docker

Mais en reprenant les enregistrements sonores des interviews, il m’a semblĂ© impossible de ne pas faire entendre ces voix qui racontent tellement sur le monde ouvrier. Ces voix que l’on entend trop peu Ă  la radio et dans nos podcasts. Des accents du nord, des rythmes rugueux, la colĂšre Ă  fleur de peau et le chuintement sinistre de l’amiante. Et puis il y avait ces dizaines d’heures d’archives VHS que nous avait confiĂ©es la CGT locale. Des vidĂ©os inĂ©dites et grĂ©sillantes enregistrĂ©es dans les annĂ©es 1990 et tĂ©moignant de la duretĂ© du conflit. Alors, je me suis mis devant mon logiciel de montage sans trop savoir comment m’y prendre. Travaillant, pour la premiĂšre fois pour un projet de cette ampleur, absolument seul. J’ai d’abord voulu faire un documentaire unitaire sans que l’on m’entende moi. M’effacer complĂštement derriĂšre les voix, les paroles, les archives.

Heureusement, Alexandre Plank et Justine Diebling de Making Waves l’ont Ă©coutĂ© patiemment et m’ont renvoyĂ© Ă  ma table de montage avec l’idĂ©e d’en faire une sĂ©rie et de prendre la parole Ă  la premiĂšre personne pour guider mieux l’écoute (comme quoi on n’échappe pas Ă  soi-mĂȘme aussi facilement que ça). J’ai tout repris, j’ai Ă©crit de longs micros, j’ai encore plus Ă©toffĂ© le tout d’archives qu’il m’a fallu Ă  nouveau des heures pour Ă©couter et sĂ©lectionner. J’ai poussĂ© le tout le plus loin possible jusqu’à ce que je ne puisse plus supporter d’entendre une seconde de plus mon montage.

Illustration du podcast Une Bataille mais pas la guerre, en format carré

Illustration : Rosalie Stroesser

Heureusement encore, ClĂ©ment Nouguier de Making Waves est venu Ă  ma rescousse, il a tout repris, mis en musique, rythmĂ©, dynamisĂ© pour en faire un rĂ©cit sonore puissant et prenant. Je lui en suis infiniment reconnaissant. Ce qui est drĂŽle c’est que ClĂ©ment a beaucoup bossĂ© Ă  France inter et moi Ă  France Culture. Ce qu’on a créé ensemble est une forme de syncrĂ©tisme des cultures radiophoniques des deux chaĂźnes avec une touche en plus, une touche Making Waves, quelque chose de la fiction sonore d’oĂč viennent Alexandre et Justine, plus de libertĂ© formelle et une forme de plaidoyer sociale qui est propre Ă  la culture du studio.

J’espĂšre que cela vous plaira ! Pour Ă©couter le tout c’est par lĂ  :

Pour le livre, il faudra attendre le 28 aoĂ»t prochain pour qu’il soit en librairie (d’ailleurs je devrais relire les Ă©preuves au lieu d’écrire ce mail), mais vous pourrez trĂšs bientĂŽt le prĂ©commander sur le site des Ă©ditions CrĂ©aphis (vous le recevrez dĂšs la parution et ça nous donnera de la force pour la sortie) ! Alors guettez la page de leur boutique en ligne :

PS : Le projet a aussi donné lieu à un chouette film documentaire de 42 minutes, plein de belles archives vidéos, réalisé par Ysé Le Bellec. Je vous en tiendrai informé-es dÚs sa sortie.

📣 J’ai besoin de vous pour en faire parler ! 📣

Je vais avoir besoin de votre aide pour faire vivre ce projet sonore et littĂ©raire. Partagez la nouvelle et les liens du podcast. Commentez-le et mettez lui des applis sur les applis si c’est possible. Parlez de ce livre Ă  vos libraires prĂ©fĂ©rĂ©s, dites-leur de le commander Ă  sa sortie, proposez-leur (ou toute autre structure intĂ©ressĂ©e) d’organiser une rencontre autour du livre ! La diffusion de cette belle histoire ouvriĂšre, nĂ©cessaire aujourd’hui pour s’opposer Ă  ce qui nous fait face, dĂ©pend de vous.

Plusieurs rencontres seront organisĂ©es Ă  partir de septembre, je vous donnerai les dates bientĂŽt. J’espĂšre qu’il y en aura d’autres et j’espĂšre que ce sera l’occasion de nous y voir !

Photo d'un homme la soixantainre, visiblement fatigué, lÚvant le poingt devant l'emblÚme de la CGT Fédération des ports et docks

Fin de la grùve de la faim pour les dockers victimes de l’amiante

📚 Un livre peut en cacher un autre 📕

Les chapitres que j’écris en ce moment vont donner lieu Ă  un autre livre qui sortira plus tard dans l’automne et dont je vous reparlerai bientĂŽt. Mais pour les courageux.ses qui lisent mes Newsletters jusqu’au bout, je vous en informe en avant-premiĂšre : je transforme mon podcast Penser le 9-3 en un livre de rĂ©cit sur la Seine-Saint-Denis. On s’en reparle trĂšs vite ! (Parce que tout va beaucoup trop vite dans ce monde de fou)

 

La citĂ© de l’Abreuvoir Ă  Bobigny

Courage Ă  nous, Ă  vous et aujourd’hui plus que jamais siamo tuttx antifascistx !

đŸ§¶Antoine